Interview de Gerard Paratte, CEO de Properstar : Analyse de l'état du marché immobilier actuel en Europe

Dans cette interview, Gerard Paratte, CEO de Properstar, nous donne son analyse de l’état du marché immobilier à l’heure actuelle en Europe, mais également sa vision pour le futur de l’immobilier et de ses principaux acteurs.  

 

Quelle est votre vision du marché immobilier pour 2023 ? 

Le marché tourne plutôt au ralenti ces derniers mois, notamment à cause des taux d'intérêt des prêts immobiliers et c’est un peu plus compliqué que les années précédentes. Nous observons un ralentissement des transactions, mais pas encore de baisse des prix significative. Néanmoins, cela dépend des marchés, certains sont plus préservés que d’autres. Dans tous les cas et à l’heure actuelle, cela peut coûter plus cher d'acheter un nouveau bien. En effet, avec la hausse des taux d'intérêt, le montant emprunté augmente mécaniquement, ce qui à terme impacte le prix du bien.  

 

En France, on a également des problématiques avec le taux d'usure. Comme évoqué précédemment, il y a donc par extension un ralentissement du marché immobilier, mais il y a tout de même des belles opportunités à saisir. Aujourd’hui, il y a toujours des acheteurs, il y a toujours des transactions et cela reste un bon moment pour acheter. Nous ne sommes plus dans la frénésie connue il y a un an ou deux et de ce fait, ça reste toujours intéressant d’investir dans l’immobilier à l’heure actuelle. 

Quel est l’état des lieux du marché immobilier en Europe en 2023 ? 

Il y a actuellement des situations très différentes en Europe, donc cela dépend vraiment des marchés. On observe que certains pays ont beaucoup plus souffert que d'autres du contexte économique de ces derniers mois.  Par exemple, en Suisse, les taux d’intérêts des crédits immobiliers sont restés quand même relativement abordables. Il y a donc plutôt un ralentissement de la hausse des prix, une stabilisation, un peu moins de transactions, mais le marché reste toujours attractif.  

 

D'autres pays sont beaucoup plus impactés par le contexte actuel, comme la France, le Portugal et l'Espagne. Ces pays ont des problématiques un peu différentes mais qui reviennent toujours au final à cette hausse des taux. Nous espérons avoir atteint le creux de la vague, avec des taux qui devraient gentiment se stabiliser et à terme redescendre et ça reste aussi le bon moment d'acheter dans ces pays car il y a de belles opportunités. Nous sommes sur un marché général qui est sain par rapport aux crises connues auparavant, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Il y a toujours eu ces cycles dans l'immobilier qui provoquent des hauts et des bas. Ce n’est jamais bon d'être sur des marchés très tendus, mais c'est plutôt agréable de se dire “voilà on va aller toucher le creux de la vague et le marché va maintenant pouvoir redémarrer sur des bases plus saines que ce qu’il était il y a une année ou deux". 

Quels sont les challenges auxquels les acteurs de l’immobilier sont confrontés cette année ? Comment les relever ? 

Le nombre de transactions baisse donc la part du gâteau diminue et c’est là où justement les acteurs de l’immobilier doivent se différencier. C’est toujours dans des moments de crise que c'est intéressant d’observer ce qui se passe. D'un côté il y en a qui vont souffrir beaucoup plus que d'autres. De l’autre, il y a ceux qui sont restés agiles avec des structures qui s'adaptent justement au contexte du marché pour pouvoir être beaucoup plus réactifs. Certains gros acteurs peuvent aussi être en difficulté quand il y a moins de transactions. C'est là que nous testons un petit peu la solidité des acteurs du marché. C’est effectivement intéressant de voir que ceux qui persistent sont en général ceux qui profitent le plus du rebond quand l’activité redémarre. Au contraire, ceux qui ne dépassent pas les difficultés malheureusement ferment dans les moments difficiles. On voit que ceux qui s'étaient préparés sont sur le long terme en général les agences qui restent et qui perdurent alors que de certaines n’arrivent pas à tenir au premier coup dur.  
C'est une réalité du marché et c'est plutôt sain de se dire que ceux qui passent à travers tous ces cycles sans encombre sont ceux qui vont perdurer dans le temps.  

 

À l'inverse, certaines agences partent sur des stratégies courageuses mais court-termistes quand il y a un boom.  Cela pose des problèmes pour nous et pour le reste du marché parce qu'évidemment, ils arrivent, ils font des affaires au sommet de la vague, mais après ça ils ne passent pas le cap. C’'est comme dans tous les cycles, que soit pour des investissements financiers ou l'immobilier, au final c'est la même chose, il faut savoir s'adapter. 

Quelles sont les attentes actuelles des acheteurs et des vendeurs ? 

Ce qu’on peut observer, c’est que les vendeurs sont dans une situation un peu difficile parce qu’ils ont connu des prix qui montaient très vite et très haut. Il y en a donc certains qui pensent qu’ils peuvent encore vendre très cher. Mais le marché a changé, il y a un deuil qui n’est pas toujours fait par les vendeurs qui pensent encore qu'ils peuvent vendre leur bien au prix le plus haut qu’ils ont connu. Aujourd'hui, il faut qu'ils se réalignent par rapport à la situation sur le marché. Il est vrai que les prix sont encore en baisse et que cela peut être un peu frustrant.

 

On a aussi des acheteurs qui ne sautent pas le pas, à cause de la conjoncture actuelle, mais les choses évoluent avec le temps. Nous avons toujours ce décalage entre les attentes des vendeurs et la réalité du marché et il faut un certain temps pour l’accepter. Le décalage commence à s'ajuster, ce qui est encourageant. Pour les acheteurs, c'est l'inverse évidemment, puisqu'eux sont très réactifs, ils ne veulent pas payer trop cher, ils voient des prix plus intéressants, donc aujourd’hui, on est vraiment dans une dynamique où les deux s'ajustent pour que les transactions reprennent leur cours normal. Aujourd'hui, on a encore un décalage et cela débouche sur une baisse des transactions. Mais ce n’est qu'une question de temps et ça va se résorber assez rapidement dans les prochains mois 

Quelle est votre vision du monde de l’immobilier aujourd'hui ? Quelles sont ses faiblesses et ses forces selon vous ? 

À l’heure actuelle, la vraie force du marché immobilier, c'est que les transactions passent toujours par des agences immobilières et par des agents immobiliers. On parlait il y a un quelques temps de désintermédiation du marché. D’autres modèles sont arrivés sur le maché, modèles où les agents étaient uniquement là pour faire des visites avec des coûts très bas, mais sans réel accompagnement. Effectivement, on se rend compte que ces modèles-là ne sont heureusement pas développés de manière à révolutionner le marché de l’immobilier.

 

Au contraire, on a plutôt maintenant un cycle où on revient vers un modèle traditionnel d'agence immobilière. En parallèle, la structure des agences change puisqu'aujourd'hui nous voyons des sociétés américaines qui arrivent avec des gros réseaux de mandataires sur le marché et dont le but est de favoriser l'agent. Il y a ainsi une compétition de plus en plus forte entre les agents. Des modèles économiques s'affrontent, mais ce n’est pas forcément très visible ni perceptible par les consommateurs.  

 

Ajoutons à cela que de gros changements s'opèrent dans le modèle économique des agences. Au final, c’est comme pour tout, il y a en ce moment plus de concurrence et une part de gâteau qui diminue. Il est donc clair que les agences doivent évoluer, continuer à innover et à se différencier. Le Saint-Graal, c'est ce qu'on va pouvoir faire pour se différencier des autres et être meilleur.  

 

La clé réside dans la digitalisation des agents immobiliers. Nous ne disons pas qu'il faut les remplacer, mais au contraire, nous devons les assister. Il y a beaucoup d'outils aujourd'hui qui commencent à être disponibles sur le marché, dont certains sont évidemment proposés par Properstar. Le but étant vraiment d'accompagner ces agents pour qu'ils fassent un travail de manière plus efficace mais aussi de manière beaucoup plus structurée.  

 

Voici un exemple : pour visiter un bien, c'est encore très compliqué de prendre un rendez-vous alors que c’est quelque chose qui pourrait complètement être automatisé. Cela permettrait de peut-être passer plus de temps avec les clients et moins de temps à faire de la paperasse. Il y a encore énormément de marge de progression dans cette digitalisation des agents immobiliers qui va de pair avec une concurrence qui est de plus en plus forte. Donc évidemment, ceux qui auront le plus vite compris cette nécessité seront ceux qui prendront les parts de marché. 

Pensez-vous que la digitalisation du marché de l’immobilier est un enjeu essentiel ? 

Oui, la digitalisation du marché immobilier est un enjeu essentiel pour les acteurs du marché. C'est même plus qu’essentiel, c'est une question de survie. On voit que les consommateurs sont beaucoup plus enclins à utiliser de nouvelles technologies et sont d’ailleurs en demande de tels outils. Les agences doivent s'adapter et il y a une certaine latence.  

 

Une dynamique doit être mise en place au niveau des agences pour qu’elles s'habituent petit à petit à ces nouvelles façons d’interagir. Ce n’est ni une question d’ancienneté, ni une question de type d'agence, mais c'est une question de vouloir suivre les besoins des consommateurs. Aujourd'hui, c’est le gros enjeu et ce sera le gros enjeu des 5 prochaines années.

 

Encore une fois, il y a plein d'acteurs sur le marché qui proposent des solutions. Ce ne sont pas les solutions qui manquent, c'est plutôt aux agences d’adopter ces solutions et de les exploiter au mieux. On verra un petit peu où on en est d’ici quelques temps, mais la digitalisation du marché immobilier est et sera un enjeu crucial pour le secteur. 

 

 

 

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