Le marché immobilier tourne au ralenti en ce début de printemps, c’est un fait. Les prix reculent dans l’ancien, le neuf connaît une crise de l’offre et de la demande et le marché de la location est en perte de vitesse. De quoi inquiéter les professionnels du secteur qui n’avaient pas vu une telle situation depuis des années. Ajoutez à cela une hausse des taux d’intérêts des crédits immobiliers et vous obtenez un cocktail qui grippe complètement le marché. Alors que se passe-t-il sur le marché immobilier ? Pour mieux comprendre la situation, lisez ce qui suit.
Les prix dans l’ancien sont à la baisse
Les prix de l'immobilier ancien continuent de se contracter. La phase de baisse qui a démarré à Paris, avant de se généraliser dans presque toute la France semble persistante. Les professionnels de l’immobilier observent cela de près et pensent que cette phase est loin d’être terminée. Nous sommes en plein milieu, il va donc falloir faire preuve de patience avant de voir une embellie des prix dans l’ancien. Depuis le début de l’année, les prix ont ainsi baissé de 0,5% en moyenne.
C’est donc sans surprise que le début d'année 2023 est laborieux pour l’immobilier ancien, à l’image du second semestre 2022. Mais ce qui est surprenant, c’est que toutes les régions françaises sont touchées par ce repli des prix de l’immobilier dans l’ancien. Ainsi, les prix baissent de façon généralisée partout en France, sans exception. Des grandes villes en passant par les communes rurales, toutes les zones géographiques sont concernées. Un phénomène qui n’avait pas été observé dans le secteur immobilier depuis 2014.
Les prix des biens parisiens ont vu une baisse de -0,4% en février 2023. Cette tendance touche également l’ensemble des communes du Top 10 qui voient les prix des biens baisser de -0,4% et celles du Top 50 avec une baisse de l’ordre de -0,1%. Les zones rurales sont également touchées (-0,4%). Les chiffres témoignent donc que le marché immobilier subit un ralentissement et s’inscrit désormais dans une dynamique baissière.
Le marché du neuf faiblit
Au même moment, le marché du neuf inquiète les professionnels de l’immobilier. Ce dernier montre de vrais signes de faiblesse et les acheteurs ne sont pas au rendez-vous. La chute du logement neuf en 2023 est donc vertigineuse et violente pour les acteurs du secteur. Sur les douze derniers mois, les ventes de biens neufs aux particuliers investisseurs ont dégringolé de 26% et celles aux propriétaires occupants de 13,4% (source : chiffres de la Fédération des promoteurs immobiliers).
2022 a été la pire année depuis 2016 avec 121 875 ventes de logements neufs et au rythme où cela va, l’année 2023 ne se profile pas comme la meilleure des années non plus.
Selon la FPI (Fédération des promoteurs immobiliers), « la détérioration des conditions de financement intervenues au second semestres 2022 ajoutée à la crainte que fait peser l’inflation sur la solvabilité des locataires conduisent à une baisse généralisée des ventes au détail ».
La Fédération française du bâtiment (FFB) explique ce retournement du marché du neuf par une «inflation continue des coûts de construction et des prix du foncier » un « affaiblissement des dispositifs de soutien à l'accession et à l'investissement locatif, et hausse rapide et brutale des taux d’intérêts ».
Les promoteurs immobiliers ne veulent pas brader leurs lots. Ils préfèrent donc faire preuve de patience et attendre que le marché immobilier se porte mieux. Ce qui a produit une baisse de l’offre (-7,6% en 2022) qui impacte les prix (+5% en régions et + 4,8% en Île-de-France).
La hausse des taux des crédits immobiliers est-elle la principale cause du ralentissement du marché ?
La cause principale du ralentissement du marché immobilier se trouve bien évidemment dans la hausse des taux des crédits immobiliers. En effet, ces derniers ont presque triplé depuis un an et demi, rendant l’accès aux crédits de plus en plus difficile. Les futurs acheteurs peinent à emprunter et près d’un dossier de financement sur deux se voit refusé par les banques.
Ajoutez à cela l’inflation qui a atteint des niveaux record et vous obtenez un mélange qui diminue le pouvoir d’achat immobilier des Français. Alors plutôt que de revoir leurs critères à la baisse ou de payer des taux d’intérêts qui augmentent le coût de leurs crédits, les futurs acquéreurs préfèrent remettre à plus tard leurs projets immobiliers. Les notaires du Grand Paris ont fait un calcul parlant : un acheteur qui pouvait s’offrir un bien de 100 mètres carrés en janvier 2022, ne peut plus acquérir que 88 mètres carrés en empruntant la même somme aujourd’hui. Selon ce calcul, il faudrait que les prix de l’immobilier baissent de 12% pour compenser la hausse des taux des crédits immobiliers et qu’un acheteur puisse s’offrir la même surface qu’il y a un an.
En parallèle, la hausse des taux des crédits immobiliers entraîne une baisse des prix des logements, car la demande est inférieure à l’offre. Cette tendance à la baisse des prix de l’immobilier n’avait pas été aussi marquée depuis 2014 et c’est la conséquence directe de la remontée des taux de crédit. Par ailleurs, cela pousse certains propriétaires à retarder voire renoncer à la vente de leur appartement ou de leur maison dans l’attente d’une situation plus favorable.
Pour rappel, la révision du taux d'usure est mensuelle depuis le début de l’année. Cette dernière est censée donner une bouffée d’oxygène aux emprunteurs, mais elle est à chaque fois de courte durée. La hausse du taux d’usure entraîne mécaniquement une hausse des taux des crédits immobiliers. Les banques sont ainsi contraintes d'augmenter leurs tarifs, car elles doivent payer plus cher pour se refinancer auprès de la BCE, qui de son côté répond à l’inflation en relevant ses taux d'intérêt directeurs. Les emprunteurs se retrouvent donc pris en étau entre le taux d'usure, à l'origine censé les protéger contre des taux bancaires abusifs, et les taux de crédits de plus en plus élevés. Une situation qui ne devrait pas aider à relancer le marché de l’immobilier de sitôt. Les professionnels de l’immobilier sont très inquiets, car l’effervescence de ces dernières années est terminée. Selon les projections, on devrait passer en dessous de la barre du million de transactions immobilières en France cette année.
Des passoires énergétiques à la pelle
La contrainte des travaux de rénovation énergétique obligatoires pèse lourd sur le paysage immobilier français. Ces travaux imposés par la loi Climat & Résilience pénalisent le marché. Pour rappel, la loi Climat & Résilience prévoit l'interdiction progressive des logements énergivores à la location. En tant que propriétaire bailleur ou investisseur immobilier, cela ajoute des contraintes supplémentaires qui grippent encore plus la situation actuelle du marché immobilier.
Les propriétaires doivent très rapidement réaliser les travaux de rénovation nécessaires pour rendre leurs logements conformes et pouvoir les louer. Mais nombreux sont ceux qui n'ont pas les moyens d'effectuer les travaux. Parfois, ils sont dans l’incapacité d’initier ces travaux pour des raisons techniques, comme c'est le cas pour la majorité des bâtiments haussmanniens. De ce fait, ils décident de vendre leur bien pour ne pas avoir à dépenser de l’argent pour effectuer ces travaux.
Concernant les investisseurs, ces derniers doivent investir plus d’argent pour acheter un bien dans l’ancien à cause de ces nouvelles mesures, ce qui freine évidemment leur envie d’acheter des biens de ce type.
Cette augmentation de l’offre et cette baisse de la demande impacte donc directement le marché de l’immobilier et contribue à son ralentissement.
Le marché de la location se grippe-t-il ?
Le marché de la location commence lui aussi à montrer des signes de ralentissement. L’arrivée massive des passoires énergétiques (les biens classés F et G) sur le marché de la vente provoque une baisse des logements disponibles à la location.
Par ailleurs, les prix des loyers augmentent moins rapidement que l’inflation et la rentabilité locative est en baisse. Ce qui ne pousse pas à l’investissement locatif et pourrait refroidir les investisseurs.
Du côté des locataires, ceux qui avaient des projets d’achat immobilier, surtout les primo-accédants, ont beaucoup de difficultés à obtenir un prêt immobilier. Ils remettent donc ces projets à plus tard et un bon nombre de ceux qui auraient pu acheter restent locataires. Il y a donc moins de mobilité et donc par extension moins d'offres à la location, ce qui grippe ce marché.
Pour conclure, certains diront que les vendeurs devraient accepter la baisse des prix qui avaient atteint des sommets en 2022 et diminuer le prix de vente de leurs biens pour relancer le marché immobilier. Même si certains indicateurs montrent déjà une baisse de prix générale en France, c’est du côté des banques que se trouve une partie de la solution pour débloquer la situation. Mais c’est avant tout du côté de la BCE et de ses taux directeurs que la clé réside.