Au moment d’évoquer la valeur locative d’une maison ou d’un immeuble en Suisse, les futurs propriétaires se sentent souvent un peu perdus. Les propriétaires renseignés ne sont pas moins perplexes sur cet impôt complexe et dont le sens est peu aisé à saisir. Qu’est-ce que la valeur locative? Qui concerne-t-elle ? Comment est-elle calculée? Quelles sont les probables évolutions du système actuel? Nous vous proposons de faire le point.
En Suisse, la valeur locative est calculée sur la base des entrées fictives qu’un propriétaire pourrait toucher en louant un bien immobilier. Celles-ci sont imposables, comme si il s’agissait d’un revenu réel. Pour le Tribunal Fédéral (TB), la valeur locative doit s’élever au minimum à 60% du loyer qui serait perçu sur le marché de l’immobilier. Elle est établie par le canton. Ce qui veut dire que les conditions de la valeur locative peuvent être différentes selon la canton dans lequel un propriétaire possède une maison ou un immeuble. La valeur locative a donc pour effet que les propriétaires de biens immobiliers paient largement plus d’impôts que les personnes locataires. Mais en y regardant de plus près, ce n’est pas toujours vrai. Afin de compenser les frais occasionnés par la valeur locative, les intérêts hypothécaires (intérêts passifs), les frais d’entretien, et les frais occasionnés par des travaux de rénovation sont déductibles de la déclaration d’impôt du propriétaire. La déduction accordée peut s’élever de 10 à 20% de la valeur locative, selon plusieurs critères, dont l’ancienneté du bâtiment. Les dépenses qui génèrent une plus-value du bien immobilier ne donnent pas droit à une déduction. Par exemples, les dépenses pour l’installation d’une piscine ou d’une cuisine de plus haut standing ne donneraient pas droit à une déduction.
En Suisse, la valeur locative est définie selon plusieurs critères:
En procédant par comparaison, l’administration fiscale cantonale réalise une estimation du loyer qui devrait être facturé pour un bien semblable. Dans le cas ou un propriétaire estime que la valeur locative est trop importante, il peut déposer un recours.
Cet impôt semble ne pas avoir de sens au premier abord. Quelle peut bien être la raison de définir un impôt sur un revenu qui n’est pas touché? Tout d’abord, la valeur locative a pour objectif de créer une compensation fiscale entre locataires et propriétaires. Les personnes qui possèdent un ou des biens immobiliers ont à assumer des frais de logement inférieurs aux personnes qui louent un appartement ou une maison. Le système fiscal basé sur la valeur locative est donc construit sur l’idée de solidarité. Ensuite, la valeur locative présente un avantage certain pour les communes, les cantons et la Confédération, puisqu’elle permet l’entrée de recettes fiscales plus importantes. Dans certains cas, les déductions permettent d’alléger, partiellement voir parfois totalement, la charge fiscale supplémentaire.
Aperçu | Montant/pourcentage |
Revenu annuel | 150'000 |
Valeur du bien | 1'200'000 |
Hypothèque | 960'000 |
Taux d'intérêts | 1,5% |
Valeur locative | 3,5% |
Charges des intérêts hypothécaires | 14'400 |
Frais d’entretien réels | 19'000 |
Revenu imposable supplémentaire | 8'600 |
L’impôt sur le revenu (sans la valeur locative) | 24'832 |
L’impôt sur le revenu (avec la valeur locative) | 27'565 |
Afin d’avoir une vision plus claire sur l’effet que peut avoir la valeur locative sur le calcul des impôts d’un propriétaire, nous vous proposons l’exemple d’une famille avec deux enfants, touchant un revenu annuel imposable de 150’000.- et propriétaire d’une maison ancienne d’une valeur de 1’200’000.-, dans le canton de Zürich. Ils ont pris une hypothèque de 960’000.-, soit 80%du prix d’achat, avec un taux d’intérêt de 1,5%. Etant donné que la maison n’est pas neuve, les frais d’entretien sont importants.
Selon la méthode de calcul effectuée par le canton de Zürich, la valeur locative représente 3,5% de la valeur du terrain et de la valeur au moment de la construction, soit 42’000.- . Les charges de l’intérêt hypothécaire s’élèvent à 14’400.- et les frais d’entretien réels s’élèvent à 19’000.-. Ce calcul conduit à un revenu imposable supplémentaire de 8’600.-. L’impôt sur le revenu sans prendre en compte la valeur locative est de 24’832.-. En prenant en compte la valeur locative, ainsi que les déductions, il s’élève à 27’565.-.
Depuis les années 1990, la valeur locative est contestée par de nombreux propriétaires qui l’estiment injuste. Plusieurs propositions ont été déposées, afin de mettre en place un nouveau système de taxation. En 2017, une commission du Conseil des Etats a lancé une initiative parlementaire et proposé un projet d’abolition de la valeur locative. Tentative qui n’a pas abouti à la suppression de cette dernière. Les différentes discussions ont démontré que ce système profite d’un soutien non négligeable dans les chambres fédérales et dans les milieux économiques concernés. Le débat a été relancé cet été par le Conseil Fédéral.
Le débat actuel porte sur les possibilités de trouver une compensation à la suppression de la valeur locative. Les déductions actuellement accordées pour l’entretien et les intérêts passifs seraient abandonnés. Le but est de supprimer les incitations à l’endettement, étant donné que plus un propriétaire est endetté, plus il peut déduire de charges.
Le Conseil Fédéral reconnait que le système actuel comporte des failles et devrait être totalement réformé, par la suppression de la valeur locative sur les résidences secondaires, notamment. Il soutient que la déduction des intérêts passifs doit être maintenue, si ils génèrent un revenu imposable. Tel serait le cas pour les maisons de vacances et les immeubles en location ou les maisons de vacances à usage personnel, pour lesquels l’impôt sur la valeur locative est prélevé.
L’organe exécutif de la Confédération est en accord avec la commission du Conseil des Etats en ce qui concerne les déductions pour les frais d’entretien; elles ne serait plus envisageable au niveau cantonal. Il souhaite cependant maintenir jusqu’en 2050 la possibilité de déduire du revenu imposable les investissements réalisés dans le but de favoriser des économies d’énergie.
Une estimation montre que la perte fiscale pourrait s’élever à 660 millions de francs suisses dans le cadre du projet de la commission, alors qu’il approcherait les 1,66 milliard pour celui du Conseil Fédéral. La différence est due au fait que le gouvernement soutien une proposition qui vise à limiter la déduction des intérêts passifs. Tant que les taux hypothécaires restent proches de 1.5%, comme c’est le cas actuellement, les propriétaires sortiraient gagnants de cette réforme. Dans la durée par contre, tout pourrait changer si les taux hypothécaires prenaient l’ascenseur.
Les dernières interventions du Conseil Fédéral, en août 2021, en soutien au projet de la commission en charge du dossier au Conseil des Etats, ont mis en avant le fait que les positions sont toujours très divisées entre les principaux acteurs concernés. Il faudra donc q’un travail de réflexion soit fait dans le but d’atteindre un consensus au sujet des intérêts passifs et sur le fait de percevoir ou non la valeur locative sur les résidences secondaires. Le changement de système devrait entrer en vigueur au plus tôt en 2023.
En savoir plus avec notre Aperçu fiscal suisse pour les résidents et les non-résidents